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21/11/2007

Moon Palace – Paul Auster (1989)

d2055102237ff81ca6691c67d9c3415d.gifNew York, milieu des années soixante : Moon Palace est une enseigne de Broadway que le héros aperçoit de la fenêtre de sa chambre. Le héros, c'est M. S. Fogg : M comme Marco (Polo), S comme Henry Morton Stanley (le journaliste et explorateur anglais chargé de retrouver le docteur David Livingstone en Afrique) et Fogg comme Phileas Fogg (le personnage du roman Le Tour du monde en quatre-vingts jours de Jules Verne). M. S. Fogg, né de père inconnu, est un étudiant désargenté qui meuble son appartement avec des cartons de livres qu'il a hérités de son oncle Victor avec lequel il a grandi après la mort de sa mère. Pour vivre il est obligé de vendre ses livres petit à petit, au fil de ses lectures. Mais le jour où il arrive au bout de sa bibliothèque, il perd son appartement et n'a d'autre choix que de vivre à Central Park. S'ensuivent de longues semaines d'errance dans la jungle new-yorkaise, immense et indifférente, pendant lesquelles Fogg semble errer à travers sa ville et sa vie comme dans le brouillard, jusqu'à en arriver au bord du suicide... Fogg le solitaire, à la frange du désespoir, fera par la suite la connaissance d'êtres bizarres mais d'un relief étonnant. Son ami David Zimmer, qui va l'accueillir chez lui et le sortir de la rue. Kitty Wu, une jeune étudiante dont il va tomber éperdument amoureux. Thomas Effing, un riche vieillard infirme, excentrique et égocentrique dont il deviendra l'assistant. Salomon Barber, professeur de gauche, un homme moralement meurtri, d'une obésité hors du commun dont il se sert comme d'un rempart face aux agressions du monde extérieur.

Moon Palace est l'un des romans les plus célèbres de l'écrivain new-yorkais Paul Auster dans lequel il nous raconte les événements étranges qui ont marqué la vie de Marco Stanley Fogg, depuis son arrivée à New York en 1965 jusqu'à ce que, sept ans plus tard, il découvre l'identité de son père... à temps pour assister à son enterrement. Ses amours, ses rencontres, sa misère, ses errances se conjuguent en une quête identitaire et apparaissent comme les étapes d'un voyage initiatique aux confins de la solitude et de la renonciation. On retrouve dans ce roman certains des thèmes chers à l'auteur (rôle du hasard et des coïncidences, solitude, recherche identitaire) ainsi q'un style de narration très caractéristique de l'auteur, qui initie son héros en lui faisant rencontrer une multitude de personnages étranges et excentriques.

Décidément, je ne suis pas sensible au style austérien ! Après un premier essai moyennement convainquant avec Léviathan, ce Moon Palace ne m'a pas plus convaincu. Je reconnais la qualité du style et de l'écriture, et j'aime aussi assez les personnages austériens, toujours à la limite, tous un peu décalés, mais je n'arrive pas à me sentir impliquée dans l'histoire. Peut-être trop d'angoisse et de désespoir larvé dans ces récits, quelque chose qui se dérobe quand j'essaie de le capter et qui fait que je tourne les pages mécaniquement, juste afin de finir mon livre... Je ne suis donc manifestement pas atteinte par l'Austerite aiguë qui sévit sur la blogosphère littéraire (que les austermaniaques me pardonnent !), et après ces deux essais infructueux, je compte en rester là dans ma relation avec monsieur Auster.

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e%2020.gif Paul Auster, Moon Palace, éd. Actes Sud, coll. Babel, 1993 (1989), 467 pages, 9,50 €.

Du même auteur : Léviathan

10/03/2007

Un été indien - Truman Capote [1946]

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medium_UnEteIndien.gifDans l'Amérique des années trente, Truman Capote nous raconte l'histoire d'un jeune garçon, de son grand-père et de la transmission d'un secret. Quand l'enfant apprend que ses parents et lui vont déménager, quitter la ferme familiale qu'ils partagent avec les grands-parents pour s'installer en ville, il a le sentiment d'abandonner ses grands-parents.

Cette sobre nouvelle, entre tristesse et mélancolie, parle d'exode rural, de mort, de filiation, de transmission, de solitude et des blessures de l'enfance.

«Vivre, laisser vivre et prendre plaisir à la vie, tout cela faisait partie du "secret" de grand-père ; recevoir l'amour et le partager.»

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Truman Capote, Un été indien (I remember my Grandpa), traduit de l'anglais par Patrice Repusseau, éd. Rivages, coll. Rivages Poche / Bibliothèque étrangère, 1989, 53 pages, 5,08 €.

Du même auteur : De sang-froid

11/01/2007

Le destin miraculeux d'Edgar Mint - Brady Udall (2001)

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medium_destinmiraculeux.gif« Si je devais ramener ma vie à un seul fait, voici ce que je dirais : j'avais sept ans quand le facteur m'a roulé sur la tête. Aucun événement n'aura été plus formateur. Mon existence chaotique, tortueuse, mon cerveau malade et ma foi en Dieu, mes empoignades avec les joies et les peines, tout cela, d'une manière ou d'une autre, découle de cet instant où, un matin d'été, la roue arrière gauche de la jeep de la poste a écrasé ma tête d'enfant contre le gravier brûlant de la réserve apache de San Carlos. »

A sept ans Edgar Mint se fait donc écrabouiller la tête par la jeep du facteur, par un brûlant après-midi d'été, tandis que sa mère cuve ses bières sous un arbre à canettes. On le croit mort, mais, contre toute attente, il survit, sauvé par un docteur Mabuse inquiétant. Commence alors pour Edgar une vie pleine de tribulations, poursuivi sans relâche par son sauveur de médecin devenu dealer. Découvrir la suite...

12/10/2006

L'Epopée du buveur d'eau - John Irving (1972)

medium_lepopee_du_buveur_deau.gifFred "Bogus" "Boggle" "Thump-Thump" Trumper est un fieffé menteur, un mystificateur farfelu. Il a abandonné sa femme et son fils, qui vivent aujourd'hui avec son meilleur ami, sa nouvelle compagne veut un bébé dont il n'est pas sur de vouloir, un ami cinéaste veut réaliser un documentaire sur l'échec en s'inspirant de sa vie, et, comble du désarroi, Thump-Thump à un urètre trop étroit qui a la fâcheuse manie de se boucher lorsqu'il est contrarié et qui l'oblige à boire des litres d'eau pour pouvoir avoir des rapports sexuels sans trop de souffrance. Malgré tout et vaille que vaille, Bogus s'obstine à croire qu'il pourrait bien, un jour, réussir quelque chose.

Le narrateur, parfois Bogus lui-même, parfois un "il" générique lorsqu'il devient urgent de mettre un peu de distanciation, nous entraîne dans une succession d'aventures burlesques, amoureuses et sexuelles qui aboutissent l'une après l'autre et irrémédiablement à autant d'échecs. Car il s'agit bel et bien du roman d'un raté, un loser sympathique, un bon à rien touchant et assez souvent cocasse dans sa gaucherie, un raté qui se moque de lui-même en se mettant en scène dans une stupéfiante série de mésaventures et de gags invraisemblables. C'est parfois gros, énorme, démesuré et ça ne cesse de gonfler, parfois c'est presque réel et crédible, à tel point qu'on ne sait pas toujours où Bogus en est... Car si Bogus est le narrateur, il est aussi sujet et objet du récit, acteur et spectateur de sa propre vie. Il joint au récit de sa triste vie des extraits de la traduction qu'il réalise pour sa thèse d'un conte écrit en nordique primitif, il mêle aussi descriptions objectives et élucubrations fantasmagoriques, bref, il fuit la réalité pour un ailleurs géographique ou imaginaire évanescent. Ainsi Bogus ne semble pas être décisionnaire dans sa vie mais simple spectateur impuissant de son destin. Il en ressort un fatalisme assez douloureux et pourtant inséparable du personnage.

Si, dans un premier temps, le récit paraît obscur et confus, on se prend vite d'amitié pour le désabusé mais attachant Bogus, ainsi que pour ses bourdes et déboires tant professionnels que relationnels ou sentimentaux. On en vient à apprécier à sa juste valeur le rythme syncopé du récit et les nombreux allers-retours entre passé et présent, entre fiction et réalité, qui au début de l'ouvrage perdent un peu le lecteur mais qui retranscrivent précisément l'état d'esprit trouble de Bogus. Enfin certains passages sont réellement hilarants, notamment les lettres que Bogus envoie à ses créanciers, sommet de mauvaise foi vraiment irrésistible.

Ecrit en 1972, ce second roman d'Irving est emblématique de son style et précurseur du monde selon Garp sorti en 1978. Tous les ingrédients sont déjà là : le héros, un homme d'une trentaine d'années vaguement écrivain et éternel étudiant, normal en apparence mais avec de grosses faiblesses morales, qui aime mais ne sait pas l'exprimer, sa relation maritale faite d'amour et de tension, ses relations extra-maritales, ses angoisses de père, son caractère instable, ses amis improbables frôlant l'aliénation... Le tout saupoudré d'un humour unique et de jeux de mots succulents.

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e%2030.gif John Irving, L'Epopée du buveur d'eau, éd. du Seuil, coll. Cadre Vert, 1988, 367 pages.

Du même auteur : Le monde selon Garp, Une veuve de papier & Dernière nuit à Twisted River.

11/06/2006

Le monde selon Garp - John Irving (1978)

medium_Garp.gifLe monde selon Garp est l'histoire d'un grand écrivain, pétri de talents, mais aussi bourré d'incertitudes, de complexes et de peurs. Garp insère dans le récit tragico-burlesque de sa vie des extraits de son oeuvre, mêlant ainsi la réalité à la fiction au sein même de la fiction. Ce procédé révèle que le monde est pour Garp un univers où c'est l'imagination qui règne. Le monde selon Garp montre un univers où les références sont inversées sans tabous : la mère a une virilité d'homme, Robert devient Roberta, les hommes mordent les chiens... Cependant, il reste quelque chose de sacré, un havre de paix : la famille.

Le monde selon Garp est donc le roman d'un romancier, mais un romancier fréquemment atteint de leucoselophobie chronique qui l'empêche d'écrire. Alors, de quoi donc peut parler un roman dont le personnage principal est un écrivain qui n'arrive pas à écrire ?

De la "concupiscence" d'abord. Dans Le monde selon Garp les personnages (surtout les hommes) sont malades de concupiscence et la concupiscence mène à peu près tous les personnages à une triste fin. Qu'ils en soient coupables ou victimes, ils en perdent des yeux, des bras, des langues, quand ce n'est pas le pénis. Discours hautement répressif de l'auteur sur la concupiscence ? Non. Plutôt discours totalement décalé, légèrement déjanté, à la fois burlesque et jubilatoire !

Ce roman traite aussi du "Crapaud du Ressac", métaphore de cette angoisse sourde qui rode toujours dans nos vies, qui se fait oublier parfois, dans un moment heureux, pour mieux ressurgir et nous nouer les tripes... Cette peur de la mort ou plus précisément cette peur de voir mourir ceux que l'on aime. Tout, jusqu'au détail le plus infime, dans ce roman, est une expression de la peur. Alors, comment s’étonner que Garp définissent le romancier comme un médecin qui ne voit que des incurables ? Dans Le monde selon Garp, nous sommes tous des Incurables.

Si Le monde selon Garp m'a autant marqué, c'est sans doute parce que, à grand renfort de péripéties facétieuses et d'incidents rocambolesques, Irving nous y montre une réalité toute simple, pétrie d'espoir, de rêve et de désillusion, tout ce qui fait grandir les hommes dans le monde d'aujourd'hui. Ce réalisme s'accompagne souvent de sexe, de violence, d'amour et de haine, de tendresse et de poésie aussi, le tout enrobé d’un humour irrésistible, teinté de dérision et d'un petit grain de folie. Les personnages sont singuliers, subtils et complexes, les sentiments qu'ils expriment, simples et exacts, l'histoire est drôle, touchante et déchirante en même temps. Bref, une fois le livre finit, Le monde selon Garp vous trotte longtemps dans la tête... Signe d'un grand roman !

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e%2040.gif John Irving, Le monde selon Garp, éd. du Seuil, coll. Points, 1998, 680 pages, 8,50 €.

Du même auteur : L'Epopée du buveur d'eau, Une veuve de papier & Dernière nuit à Twisted River.